Les années 80

Pour comprendre le contexte dans lequel SOS Racisme a été créé, il faut remonter à la marche pour l’égalité. Cette initiative accompagnée par des travailleurs sociaux et le père Delorme émerge à la suite de la multiplication de crimes racistes. Le fait déclencheur vient de l’association « Avenir Minguette » suite à un « dérapage » de la police qui tire sur des jeunes des Minguettes.L’un d’entre eux est gravement blessé. Suite à ces faits, ces jeunes organiseront dans une perspective pacifiste et non-violente la marche pour l’égalité en 1983. L’objectif est de parcourir la France et de dénoncer les actes, les violences et les meurtres racistes.

Au départ, une trentaine de marcheurs de la première et deuxième génération d’immigration partent de Marseille. De ville en villes, ils grossissent leur rang, 1000 personnes les attendent à Lyon. Ils seront 100 000 à Paris. Une délégation est reçue par le Président de la République.
Les revendications portent sur l’égalité des droits entres les nationaux et les immigrés et leurs enfants.

À cette époque, le regard de la société sur cette marche reste une logique communautaire, très paternaliste. D’où l’appellation « marche des Beurs ». Un débat interne entre les différents collectifs et associations ayant participé à la marche émergent : la principale divergence se situe entre le choix d’affirmer ce mouvement comme spécifique aux immigrés et caractérisé par une population maghrébine, ou la volonté d’ouvrir ce mouvement à d’autres alliances pour éviter l’isolement.

En 1984, la deuxième marche (en mobylette) « convergences 84 » pour un rassemblement plus large et interculturel a lieu. Cinq villes de départ pour converger vers Paris. Les divergences se font toujours sentir. Il n’y a toujours pas de porte parole fédérant les différentes tendances, pas d’organisation permettant de porter une revendication unique de l’ensemble des jeunes.

C’est en Octobre 1984 que naît SOS Racisme, créé par des étudiants syndiqués et des marcheurs de Convergences 84. L’année qui suit, l’association reçoit le soutien de nombreux intellectuels et va émerger sur le plan médiatique : on pense notamment à la fameuse émission « Droit de réponse » qui avait invité le 5 Janvier 1985 Harlem Désir et où tout le plateau porte le badge ce soir-là, ou encore à la Une du Nouvel Observateur le 12 Février 1985 sur le badge des Potes.

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Le terme « Pote » est un appel implicite à la fraternité qui renvoie à la devise républicaine. La question du racisme concerne la société dans son ensemble, c’est la République qui est bafouée !

Le 15 Juin 1985, le concert à la Concorde réunit 300 000 personnes. Un engouement pour la petite main jaune, toute une génération porte le badge à son veston indépendamment de son origine sociale et culturelle.

À travers SOS Racisme, l’égalité des droits devient une revendication portée par toute la société, dans les différentes couches sociales : des jeunes, des artistes, des intellectuels, des personnalités politiques, etc. Il y a une volonté de faire un rassemblement de masse en faveur de l’égalité des droits et de la lutte contre le racisme.

La logique des grands concerts est aussi de mettre en avant une société métissé et du vivre ensemble. Des slogans comme « Black, blanc, beurs » ou « Première, deuxième, troisième génération, nous sommes tous des enfants d’immigrés. » en seront l’expression également.

Cet engouement populaire pose la reconnaissance d’une population vivant en France, issue de l’immigration, entraînant une inversion sémantique contre le discours d’assimilation porté par l’extrême droite et mettant en avant celui de l’intégration. L’individu peut trouver sa place dans la société par les droits et les devoirs et non l’imposition d’un modèle culturel : une république forte sur le plan politique.

À la fin des années 80, l’antiracisme est devenu majoritaire dans le pays et s’est imposé dans le débat politique qui débouchera sur la mise en place d’un cordon sanitaire autour de l’extrême droite face à un front républicainrefusant toute alliance politique entre les partis politiques républicains et le Front National.

Des années 90 à aujourd’hui

En 1990, même si le racisme ne tue plus, l’association constate qu’il existe toujours mais sous une forme insidieuse et insaisissable : la mise à l’écart et le traitement différencié d’une personne compte tenu de ses origines. A cette époque, les discriminations sont un tabou dans la société française, tant pour la classe politique que pour les populations.

Face à ce constat, SOS Racisme oriente son action à la fin des années 90 sur la lutte contre les discriminations et va réussir à imposer la reconnaissance du problème des discriminations en organisant les opérations « testing » et en agissant en justice pour faire condamner les auteurs de discriminations.

En 1999, SOS Racisme est la première association à faire condamner une boîte de nuit pour discrimination.

Depuis, plus de 300 organismes, patrons ou gérants, ont été condamné pour une discrimination liée à l’origine ou au patronyme dans l’accès à un emploi, un logement, un loisir et un service.

En 2006, l’association a tenu des Etats Généraux pour l’égalité pour interpeller les politiques suite aux violences urbaines qu’ont connues un bon nombre de quartier en novembre 2005.

Plus de 300 personnes ont participé à ces Etats généraux : de nombreux acteurs associatifs, des artistes, des personnels et des élèves du système éducatif…

Ces Etats Généraux ont donné lieu à un manifeste recueillant plus de 60 mesures pour rétablir l’égalité sur le territoire dont la mise en application du CV anonyme, du tickets de contrôle pour encadrer les contrôle d’identité…

 

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Lutter contre les discriminations est devenue une question cruciale pour la société française. Cependant, elle souffre encore aujourd’hui d’un retard énorme en terme de politiques publiques de lutte contre les discriminations liées à l’origine ou au patronyme.

Depuis 2007, nous constatons une absence de volonté politique pour renforcer l’égalité au sein de notre pays. Pire, nous avons été les témoins de la construction d’un discours politique visant à opposer les populations les unes aux autres, encourageant les dynamiques de repli identitaire et légitimant la parole raciste. Ce discours consiste également à détourner la France des valeurs fondatrices de notre République comme la laïcité, l’égalité, voire la liberté d’expression. Il cherche à masquer l’absence de réponses efficaces pour lutter contre la crise économique par la recherche de bouc émissaire qui serait tantôt les immigrés et leurs enfants, les précaires, les gens du voyage…

Cette offensive de tous les conservatismes pénètre progressivement toutes les strates du débat public, y compris certains médias, où des personnalités tentent de faire passer les valeurs de l’antiracisme pour des idéaux poussiéreux portés par une minorité de Français.

Face à cette insupportable tentative d’entraîner la France dans le « tous contre tous », SOS racisme va renouer avec la tradition des concerts des années 80 en organisant le 14 juillet 2011, un immense concert au champ de mars à Paris qui fédéra plus d’un million de personnes pour l’égalité. A l’occasion de la fête nationale, cet évènement a permis d’affirmer le nouveau visage de la France, celui d’une France métissée et fière de sa diversité.

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Concert pour l’égalité le 14 Juillet 2011 au pied de la tour Eiffel réunissant plus de 100 000 personnes.

Aujourd’hui, il est plus que nécessaire de poursuivre cette mobilisation pour démontrer que nous sommes majoritaires à vivre au quotidien une république métissée et faire en sorte que chacun puisse vivre dignement dans notre société.