Monsieur François Hollande,
Président de la république Française
Palais de l’Élysée, Paris.

Paris, le 26 mai 2014

Monsieur le Président,

 

Le résultat des élections européennes en France est sans appel. Il est inutile de chercher dans l’analyse des suffrages des éléments rassurants, il n’y en a pas.

Les électeurs ont placé en tête le Front National et ses thèses. Voter pour ce parti d’extrême droite c’est voter en connaissance de cause pour sa nature xénophobe et protestataire

Pour autant, il serait faux d’affirmer que tous les électeurs du Front National sont racistes, et ainsi ne pas voir le déclassement, la précarisation et la perte de repère de nos concitoyens.

La droite qui a couru derrière les thèses du Front national ces dernières années a une responsabilité indéniable dans cette situation. Malheureusement dans le même temps, la gauche n’a pas répondu aux attentes de ses électeurs et a renoncé à mettre en œuvre une véritable politique d’égalité.

Ce gouvernement a la responsabilité, par son manque d’audace et de fermeté sur ses valeurs, d’avoir démobilisé la jeunesse et les habitants des quartiers populaires déçus par tant de renoncement et dégoutés par le spectacle affligeant qu’offre la classe politique.

C’est pourquoi, Monsieur le Président, nous n’avons eu de cesse d’alerter sur cet air délétère qui flotte sur notre pays la France, ce vent mauvais qui charrie des effluves de haine et de violence inouïe. Ce climat anxiogène entretenu par les extrémistes de tous poils prospère sur l’incurie politique et l’indolence de la société qui s’accoutume à l’inacceptable.

Monsieur le Président, quand la droite déçoit il y a la gauche, et quand c’est la gauche qui tourne le dos à l’espérance suscitée, il y a l’extrême désespoir vers lequel se fourvoient ceux qui n’ont plus rien à perdre et que l’imposture démagogique du FN moissonne. La gauche au pouvoir doit entendre l’exaspération de ces millions de femmes et d’hommes qui lui ont fait confiance il y a deux ans.

Elle doit démontrer qu’une politique de rigueur budgétaire n’empêche pas une politique sociale. Elle doit éviter de se perdre dans l’économisme abscond et réinventer un récit national s ‘adressant à chacun et faisant une place à chacun, considéré comme maillon essentiel de la collectivité tout entière. Monsieur le Président, face à ce désastre électoral, il faut apporter une réponse forte à la mesure du désarroi général, de la crise de régime, en renouant avec l’esprit, le souffle et la dynamique de la campagne présidentielle et en engageant résolument et urgemment un choc d’égalité et de confiance ainsi que de profondes réformes de civilisation. C’est la condition pour remobiliser les énergies disparates et provoquer le sursaut citoyen indispensable pour stopper la fractures sociale civique et identitaire et faire triompher nos valeurs et notre modèle de société : celui d’un mieux vivre ensemble dans une France belle, plurielle et fraternelle.

Ibrahim Sorel KEITA
Vice-Président et Porte-parole de SOS Racisme